La France ne profite pas du potentiel de croissance du secteur agroalimentaire et perd des parts de marché. C’est un constat affligeant si l’on considère l’excellence des produits français, mais les chiffres sont révélateurs : en 2000, la France se positionnait en deuxième exportateur mondial derrière les Etats-Unis, alors qu’aujourd’hui elle est largement devancée et ne se trouve qu’au cinquième rang derrière USA, Pays-Bas, Allemagne, Brésil. Cette énorme dégradation a frappé les sénateurs Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand qui ont présenté un rapport d’information à la Commission des Finances, présidée par Philippe Marini, concernant les moyens à mettre en oeuvre pour stimuler ce secteur qui ne demande qu’à prospérer. Pas de temps à perdre, il faut réagir. Les premières constatations sont accablantes : la dispersion des moyens et le chevauchement des compétences nuisent à la compétitivité.
André Ferrand, sénateur représentant les Français établis hors de France, membre de la commission des Finances, l’un des quatre rapporteurs de cette étude ne mâche pas ses mots : « si on remonte les filières, on constate qu’on ne peut séparer l’agricole de l’agroalimentaire et qu’on a besoin d’un organisme efficace regroupant l’ensemble tant en national qu’en régional pour aller au devant des marchés étrangers. On a besoin d’un grand opérateur national qui déléguera à des professionnels, qu’il s’agisse d’Ubifrance, de Sopexa, des Chambres de Commerce ou de consultants spécialisés privés, sans quoi, on ne peut espérer former des champions à l’international ».
Un mot d’ordre : travailler ensemble pour optimiser
Mais on en est encore loin pour le moment !... Il suffit de constater que le ministère de l’Agriculture consacre à ce dispositif 27,5 millions d’euros qu’il répartit entre Sopexa, Ubifrance, Adepta, sans oublier France Agrimer qui est sous sa tutelle. En face ou plutôt en parallèle, le ministère de l’Économie attribue 20 millions d’euros à Ubifrance pour ses actions en direction du secteur agroalimentaire et ceci sans parler des aides provenant des Régions et des Chambres de commerce. En ajoutant le poids des contraintes rencontrées par les entreprises du fait de la lourdeur de certaines procédures, quatre séries de recommandations ont été formulées dont celle qui touche directement les exportateurs concernés : simplifier les plus possible les procédures de certification sanitaires et vétérinaires.
Désigner un opérateur commun de référence
La commission a donc proposé de faire le choix d’une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires en reconfigurant la gouvernance de l’export du secteur autour d’un opérateur commun de référence. Les sénateurs sont allés dans le détail du scénario de reconfiguration de la gouvernance, n’oubliant aucun point d’organisation utile et pratique, notamment en ce qui concerne la communication et la conception des campagnes marketing. Ainsi, on peut lire dans les recommandations : « communiquer sur les marchés extérieurs d’une seule voix, celle de la France et non au titre du ministère de tutelle ou d’un opérateur particulier ». On lira encore : « mutualiser les moyens par une mise en commun des logos, matériels de promotion et dans la conception de nouveaux outils de médiatisation comme la Marque France, en n’hésitant pas à lui associer la gastronomie et l’excellence alimentaire française ». Et le rapport de souligner l’intérêt de mettre en valeur les bonnes pratiques existantes et les initiatives comme le Comité Asie, Taste of France à New York, French Gourmet , ainsi que les plateformes logistiques et vitrines commerciales reconnues à l’exemple du marché d’intérêt national de Rungis.
Rendre plus lisibles les dispositifs dans les régions
Quant aux Pme et Tpe dans les régions qui, du fait d’une abondance pléthorique d’intervenants, ont tendance à trouver le dispositifs illisibles, elles devraient être prises en considération. Le rapport vise l’efficacité : « il faut déjà en parallèle, clarifier le rôle de l’Etat et de ses structures déconcentrées tout en donnant leur existence aux régions ». De ce fait la création de la BPI constitue une belle opportunité de simplification et d’intégration du dispositif de l’Etat dans le tissu régional. Et cela semble prendre tournure puisque la BPI pour son lancement en Bretagne, s’est engagée devant un parterre de chefs d’entreprises réunis à Rennes, à aider les entreprises d’agroalimentaire.
L’impact des marques régionales
Nous en arrivons aux bonnes pratiques, quand il s’agit des régions à qui devrait être confié un rôle pivot dans l’articulation entre le national et le régional. Il est recommandé aussi d’associer les régions à l’élaboration de la stratégie de l’opérateur national, car elles ont souvent créé des marques qui contribuent largement à la promotion de qualité de produits de terroir et à leur attractivité, telle la marque Sud de France ou encore Produit en Bretagne. Ces marques ont fait leurs preuves pour le développement de l’export de l’investissement et même du tourisme régional. La Marque France peut en tirer des enseignements.
L’Ambassadeur doit organiser le jeu collectif des acteurs français à l’étranger
Enfin, André Ferrand souligne le concept de « diplomatie économique » et indique les réflexions de la Commission en vue d’organiser une stratégie cohérente pour mailler le réseau international du dispositif d’appui. Il est recommandé d’instaurer localement le leadership de l’Ambassadeur, représentant de l’Etat qui devra veiller à la bonne synergie des différentes structures qui concourent à la promotion des exportations. Il devrait pouvoir organiser le « jeu collectif » des acteurs français à l’étranger.
Nicole Hoffmeister